robots de TELéprésence En Milieu SCOLaire
Depuis quatre ans, nous assistons à une intensification de l’usage expérimental des robots de téléprésence au sein du système éducatif français. Une étude récente d’envergure, portant sur trois années d’expérimentation en région Rhône-Alpes, rapporte les conclusions d’une utilisation en classe, pour des élèves empêchés ou handicapés, c’est-à-dire absents pour raisons médicales [1]. D’autres études, menées par le LIUPPA (Laboratoire d’Informatique de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour) et le SAPAD (Service d’Assistance Pédagogique A Domicile) des PEP (Pupilles de l’Enseignement Public) des Landes (SAPAD 40) [2][3], ou encore le SAPAD 71 [4], sont venues conforter ces résultats, et montrer que la principale plus-value de la robotique de téléprésence, dans ce contexte, est la conservation du lien social entre l’élève empêché, son établissement scolaire, ses enseignants, et surtout ses camarades de classe. Cette préservation du lien social est un gage important de continuité scolaire et de réduction du risque de décrochage.
Le contexte particulier de l’élève empêché n’est pas le seul pour lequel le robot de téléprésence peut être utilisé. Cet outil numérique innovant a aussi été expérimenté à l’UPPA, ou encore à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, à Lyon 1, à l’Ecole Centrale de Lyon, à l’ISARA, …, par des enseignants/chercheurs téléprésents, par exemple en séance de travaux pratiques [5], lors de séminaires doctoraux, ou encore lors de conférences invitées. Toutes ces expérimentations ont montré que les usages du robot pouvaient être multiples, et qu’à chaque fois, une vraie plus-value était notée par l’ensemble des parties prenantes. Le LIUPPA est d’ailleurs à la pointe en ce domaine, avec de nombreuses expérimentations d’usages depuis 2014 (voir le site http://telepresence.iutmdm.fr).
Aujourd’hui, l’UPPA souhaite intégrer la téléprésence comme un service numérique offert à l’ensemble de ses usagers (étudiants, enseignants, autres personnels). Le projet TELEMSCOL, qui s’intègre au projet plus large UPPA-learning, a trois objectifs principaux :
- Déployer des robots sur chaque site de l’UPPA (2 par site = 10), afin d’offrir un service homogène sur l’ensemble de notre université. Nous pensons, ainsi, promouvoir les robots dans tous les enseignements de notre université. La gestion de ces robots sera assurée par la Direction du Numérique (DN) de l’UPPA : gestion des prêts, maintenance, suivi de l’utilisation, … Il sera ainsi possible pour tous les usagers de l’université de bénéficier de ce service.
- Mettre en place les premiers usages de ces robots :
- Dans sa nouvelle structuration en cours (projets I-SITE E2S / NCU SPACE), l’UPPA réorganise son niveau Licence pour favoriser les passages des étudiants d’une formation à une autre (utilisation de passerelles entre formation définies dans le projet SPACE). Ainsi, dans un contexte multi-site fortement marqué, les immersions d’étudiants pour découvrir des formations sur différents sites seront rendues possibles par l’utilisation de cette solution robotique (renforcement du choix de l’étudiant où réalisation de cursus « à la carte »), tout comme la téléprésence d’enseignants sur les différents sites pour, en particulier, la réalisation de modules « passerelles » permettant de préparer les étudiants à une éventuelle réorientation (y compris les travaux pratiques). Outre la dimension écologique évidente de cette solution, on perçoit tout de suite l’impact sur la lutte contre le décrochage scolaire (au sens académique du terme : ne pas quitter un établissement d’enseignement sans diplôme), lutte qui est une priorité absolue de l’UPPA. Cette solution facilitera aussi l’intervention dans les enseignements de spécialistes qui ne peuvent pas toujours se déplacer sur l’UPPA (notamment des enseignants chercheurs d’Universités à l’international, ou encore des professionnels), participant ainsi à l’excellence de la qualité des formations, que ce soit au niveau Licence ou au niveau Master.
- Les robots pourront servir de support aux étudiants empêchés. En particulier, les élèves des lycées landais qui utilisent cette solution sont démunis une fois leur baccalauréat obtenu, car ils « perdent » dans l’enseignement supérieur les soutiens dont ils pouvaient bénéficier jusque-là (aide du SAPAD40 dont le domaine d’intervention se limite au primaire et au secondaire). L’UPPA se propose donc, à travers cette solution, de continuer à les soutenir après le baccalauréat, et permettre ainsi une continuité des études sur le territoire de la Nouvelle Aquitaine (continuum Bac-3 -> Bac+3). Bien entendu, cela concerne tous les étudiants empêchés de notre région (pas que ceux issus des Landes).
Un étudiant peut aussi être empêché pour des raisons non médicales. Par exemple, les étudiants sportifs de haut niveau sont souvent pénalisés lors de leurs déplacements pour des compétitions, car ils ne peuvent pas suivre les cours. Les robots de téléprésence peuvent apporter des solutions à ce public particulier. Cela peut aussi être un facteur d’attractivité pour les futurs étudiants sportifs de haut niveau, à la recherche de formation adaptée à la pratique de leur sport. - Enfin, les robots pourront être utilisés par les lycéens aquitains. Il s’agit ici de leur permettre de découvrir une ou plusieurs formations qu’ils ciblent pour une poursuite d’études, en les immergeant dans un cours (par exemple une séance de travaux pratique). Ainsi, ils pourront mieux appréhender le contenu de la formation, la façon de travailler, tout en ayant la possibilité d’échanger avec l’enseignant et les élèves. Nous espérons ainsi lutter contre les mauvaises orientations dues à une méconnaissance de nos formations. Cette possibilité complètera l’outil traditionnel « portes ouvertes », auxquels les publics géographiquement distants et/ou en difficulté sociale ou financière ne peuvent pas toujours participer. D’un point de vue pratique, nous pourrons expérimenter dans un premier temps avec quelques lycées partenaires, avant d’étendre plus largement le dispositif.
- Développer de nouveaux usages et améliorer le degré d’immersion du robot : lors de l’utilisation par un élève empêché, considérer un robot de téléprésence comme un simple avatar qui remplace la personne distante serait une erreur. L’impact de la présence du robot dans la classe est beaucoup plus large, que ce soit d’un point de vue psychologique, social ou pédagogique : comment ses pairs perçoivent cet objet, et à travers lui la personne absente ? Comment peut-on adapter sa pédagogie pour intégrer cet élève un peu particulier ? Par conséquent la distance transactionnelle [9] peut-elle être réduite en adaptant le robot aux pratiques usuelles d’enseignement, ou au contraire en les modifiants ? L’utilisation de cet outil numérique est-il un facteur de réussite, c’est-à-dire permet-il un (ré)engagement, et donc de la persévérance de la part de l’élève absent ? Il existe très peu d’études sur ces sujets [1][7], car cette thématique est relativement récente et se situe à la croisée de domaines de compétences différents : informatique, robotique, sciences de l’éducation, sociologie. Notre université possédant toutes ces compétences, nous proposons d’aller plus loin que le simple déploiement d’une flotte de robots, en développant plusieurs aspects :
- Augmenter les capacités techniques du robot dédiées à l’acte d’enseignement : scanner et imprimante pour échange de documents temps réel, caméra de proximité supplémentaire pour montrer un matériel particulier en TP, ou mieux voir le tableau en cours/TD, micro-cravate pour mieux entendre l’enseignant, … Tous ces ajouts seront effectués sous forme de projets d’étudiants de 2ème année de DUT Réseaux et Télécoms (Mont de Marsan). Ces étudiants prototyperont, puis déploieront et analyseront ces outils supplémentaires [6]. L’idée ici est de réduire la distance transactionnelle en partant du robot, c’est-à-dire en augmentant ses capacités techniques, pour se rapprocher au plus des capacités d’un élève présent physiquement, et donc une meilleure immersion dans les enseignements basés sur des pédagogies classiques. Nous demandons pour cette partie l’utilisation spécifique de 3 robots de « tests »
- Développer la pédagogie adaptée à la présence d’un robot dans la classe. Pour cela, nous nous appuierons sur le Service Universitaire de Pédagogie (SUP) de l’UPPA pour développer des formations, à la fois pour les étudiants utilisant les robots, mais aussi les enseignants pour apprendre à mieux intégrer le robot dans leur pédagogie. Ici, nous chercherons à réduire la distance transactionnelle en partant de la pédagogie de l’enseignant, pour se rapprocher des capacités d’apprentissage de l’élève téléprésent (pédagogie différenciée innovante). D’un point de vue opérationnel, nous mettrons en place des cours expérimentaux, pour observer l’impact du robot sur les enseignements. Puis nous essaierons, à partir des analyses des observations, de développer les formations pour les enseignants et les étudiants, pour mieux utiliser le robot. Nous nous appuierons sur notre expérience dans le domaine [3,5,8], notamment sur ce que nous faisons déjà avec le SAPAD des Landes dans les collèges et lycées. Pour les formations et les observations, nous utiliserons les 3 robots « test » du paragraphe précédent, sans leurs extensions.
L’organisation du projet dans le temps fera apparaître plusieurs étapes :
T0 -> T0+6m | Lancement de l’appel d’offre, achat des robots et préparation à la mise en production |
T0+6m -> T0+12m | Construction du module de formation des élèves pour utilisation en classe – Développement des extensions du robot. |
T0+12m -> TO+24m | Détermination des élèves et des formations « tests ». Début de l’utilisation des robots pour les usages pré-définis (après formation des élèves) |
T0+24m -> T0+36m | A partir des observations (dans les formations « tests »), construction du module de formation (pour les enseignants) à la pédagogie adaptée au robot. |
A la fin des 3 années du projet, un bilan sera établi, en analysant en particulier :
- Le taux d’utilisation (utilisateurs, sessions, …) des robots
- Le nombre d’usagers et personnels formés
- Les développements techniques et des usages autour du robot
De plus, un protocole de validation, basés sur des enquêtes, des entretiens et des observations in situ, permettra de mesurer tout au long du projet le niveau d’acceptation du robot, le niveau de satisfaction, et le niveau d’utilisabilité.
Les conclusions permettront de savoir si la solution a atteint les objectifs visés, et si une augmentation de la flotte de robots doit être envisagée, en phase avec le développement de la nouvelle structuration pédagogique de l’UPPA (I-site E2S, NCU SPACE), pour répondre à la demande d’usages de cet outil pédagogique innovant.
Références
[1] Coureau-Falquerho, E. & Simonian, S. & Perotin, C. (2017), Expérimentation « Robot lycéen en Auvergne Rhone-Alpes », SYNTHÈSE du Rapport d’usages du robot lycéen, IFé, ENS-Lyon, http://recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-1/fichier-de-laxe-1/robot-lyceen-synthese-rapport-usages-vf-28032017.pdf?lang=fr
[2] Dionne, C. et Rousseau, N. (dir) (2006). Transformation des pratiques éducatives. La recherche sur l’inclusion scolaire. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.
[3] Gallon, L. & Dubergey, F. & Negui M. (2017). Robot de téléprésence : un outil numérique utilisé par le SAPAD pour rendre présent l’élève absent. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n°79, novembre 2017 (accepté, à paraître)
[4] Sauret, F. & Lapetite, B. (2016). Usages du numérique dans l’accompagnement pédagogique des élèves gravement malades. La revue de santé scolaire & universitaire, Mars-Avril 2016, n° 38
[5] Gallon, L. (2014). Immersion dans un TP en téléprésence. In WPRT 2014, 3ème Workshop pédagogique Réseaux & Télécoms.
[6] http://telepresence.iutmdm.fr/index.php/2017/12/19/article-dans-le-magazine-xl/
[7] Furnon, D. & Poyet, F. (2017). Telepresence Robot: Process of Appropriation through the Evolution of the Modalities of Presence. International Journal of Technology and Inclusive Education (IJTIE), Volume 6, Issue 1, June 2017
[8] http://telepresence.iutmdm.fr/index.php/2017/05/22/un-controle-de-travaux-pratiques- en-telepresence/
[9] Jézégou, A. (2007). La distance en formation : premier jalon pour une opérationnalisation de la théorie de la distance transactionnelle. Distances et savoirs, vol. 5,(3), 341-366.
[10] Mon prof est un robot, https://youtu.be/YcRTTvTINPw